par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
INDIVISION DEFINITION
Dictionnaire juridique
Définition de Indivision
en partenariat avec Baumann Avocats Droit informatique |
L'"indivision" est la situation dans laquelle se trouvent des biens sur lesquels s'exercent des droits de même nature appartenant à plusieurs personnes. Le fait que, dans l'usufruit, les droits des nu-propriétaires et ceux des usufruitiers ne soient pas de même nature fait que les dispositions sur l'indivision ne s'appliquent pas à leurs rapports.
L'indivision peut être conventionnelle. Dans ce cas, la durée ne saurait être supérieure à cinq ans, mais elle est renouvelable. L'indivision peut être gérée par un des co-indivisaire, dans ce cas, celui ci a droit à la rémunération de l'activité fournie. Dans un arrêt du 25 octobre 2005, la première Chambre civile a jugé (1ère Chambre civile 5 octobre 2005) que relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, à défaut d'accord amiable, les conditions de cette rémunération, qui n'est pas limitée par les résultats de la gestion, sous réserve de la responsabilité éventuelle du gérant pour ses actes de gestion. Quoique la convention d'indivision portant sur un immeuble n'ait fait l'objet d'aucune publicité foncière, il est jugé que la nullité ne résultant pas des dispositions de l'article 1873-2 du code civil, elle reste cependant valable. (12ère Chambre civile 10 juillet 2013, BICC n°794 du 15 janvier 2014 et Legifrance)
Une action en revendication de la propriété indivise et en contestation d'actes conclus sans le consentement des indivisaires a pour objet la conservation des droits de ceux-ci. Elle entre dans la catégorie des actes conservatoires que chacun d'eux peut accomplir seul. (3e Chambre civile 24 octobre 2019, pourvoi n°18-20068, BICC n°918 du 15 mars 2020 et Legifrance.)
La créance d'un indivisaire sur l'indivision se prescrit selon le droit
commun soit, cinq ans. La prescription part, non pas de la date du partage, mais de celle de l'exigibilité de la créance. (1ère Chambre civile 14 avril 2021,1 pourvoi n°19-21313, Legifrance).
L'indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l'indivision et être payé par prélèvement sur l'actif indivis, avant le partage. Cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun. (1ère Chambre civile, 14 avril 2021, pourvoi n°19-21313, Legifrance).
L'usage commun des chemins d'exploitation n'est pas régi par les règles de l'indivision. Chaque propriétaire riverain dispose du droit d'en interdire l'accès aux non-riverains. (3e Chambre civile 29 novembre 2018, pourvoi n°17-22508, BICC n°899 du 1er avril 2019 et Legifrance).
Encore que le droit d'usage et d'habitation ne soit pas de même nature que le droit de jouissance du propriétaire, celui-ci qui a le droit de jouir de son bien de la façon la plus absolue, dispose de droits concurrents avec le titulaire du droit d'usage et d'habitation. En application de l'article 817 du code civil, l'un ou l'autre des coïndivisaires se trouve donc en droit de demander le partage. (3e Chambre civile 7 juillet 2016, pourvoi n°15-10278, BICC n° 854 du 15 janvier 2017 et Legifrance). L'avis de l'Avocat général peut être consulté au JCP. 2016, éd. G., II, 1102.
Le plus souvent l'indivision résulte de la loi comme c'est le cas des héritiers avant qu'ils n'aient procédé au partage des biens de la succession. La communauté qui est un des régimes réglant les rapports patrimoniaux des époux durant le mariage, est un type d'indivision. Le droit d'une veuve, donataire de son mari de la plus forte quotité disponible entre époux ayant opté pour le quart en pleine propriété, laisse à son fils les trois quarts en usufruit des biens composant la succession. Les droits dont elle a hérité de son mari défunt et ceux que reçoit leur fils, nu-propriétaire, constituent quant à la propriété des biens, une indivision entre eux. Dans ce cas contrairement à ce qu'a jugé la Cour d'appel dont l'arrêt a fait l'objet d'une cassation partielle, la veuve est en droit de provoquer le partage afin de faire déterminer les biens composant sa part (1ère Chambre civile 12 janvier 2011, pourvoi n°09-17298, LexisNexis et Legifrance). Mais les dispositions légales gouvernant l'indivision sont étrangères au rapport des libéralités, lesquelles supposent l'existence d'une intention libérale (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n°10-25685, LexiNexis et Legifrance).
Le dépassement du délai d'un mois prévu par l'article 815-5-1, alinéa 3, du code civil, pour signifier à un individaire l'acte par lequel certains des ondivisaires à d'autres indivisaires de les informer de leur intention de vendre l'immeuble indivis, est indifférent, dès lors que ce délai n'est assorti d'aucune sanction. (1ère Chambre civile 20 novembre 2019, pourvoi n°18-23762, BICC n° 920 du 15 avril 2020 et Legifrance).
L'indivision, en tant que mécanisme juridique, ne dispose pas de la personnalité juridique (1ère Chambre civile 25 octobre 2005, pourvoi n°03-20382, Legifrance). Il n'existe donc pas de solidarité entre les co-indivisaires que par l'effet de la loi ou celui d'une stipulation expresse (Cass. 1ère CIV. 29 novembre 2005, n°546, BICC n°636 du 15 mars 2006). L'action introduite contre un seul indivisaire est recevable, mais la décision rendue est inopposable aux autres indivisaires à défaut de leur mise en cause (1ère Chambre civile 12 juin 2013, pourvoi n°11-23137, BICC n°792 du 1er décembre 2013 et Legifrance). Du fait de l'absence de solidarité entre les co-indivisaires lorsque le bail commercial a été consenti par des propriétaires indivis et hormis le cas où l'un de ceux-ci a reçu mandat du ou des autres indivisaires, le congé donné par le preneur doit, pour être valable, avoir été délivré à chacun des propriétaires indivis. (3e Civ. - 11 juillet 2007, BICC n°671 du 15 novembre 2007). Voir les cas de solidarité entre époux prévus par les articles 220, 1414 et 1418 du Code civil). L'absence de personnalité juridique a pour conséquence la nullité d'un commandement fait au nom de l'indivision. (2ème Chambre civile 9 juin 2011, pourvoi n°10-19241, BICC n°750 du 1er novembre 2011 et Legifrance).
En matière successorale, la Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a introduit un chapitre VII placé au titre Ier du livre III du code civil, intitulé « Du régime légal de l'indivision, comprenant les dispositions sur les actes relatifs aux biens indivis sur les actes accomplis par les indivisaires, sur les actes autorisés en justice, sur les droits et des obligations des indivisaires, sur le droit de poursuite des créanciers et l'indivision en usufruit. A cet égard, la grande réforme réside dans le fait que dorénavant de très nombreuses décisions n'ont plus besoin d'être prises à l'unanimité, mais à la majorité des deux tiers des droits indivis, par exemple, pour effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis, donner un mandat général d'administration, vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision, conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. En revanche si, on revient à la nécessité de l'unanimité pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis (Article 815-14 Code civil), il reste que tout héritier, même avant partage, et même sans le concours des autres cohéritiers, a qualité pour prendre l'initiative d'intenter une action en revendication contre le tiers détenteur d'un bien soustrait à l'actif de la succession. (1ère Civ. - 5 novembre 2008., BICC n°698 du 15 mars 2009).
La situation dans laquelle se trouvent des époux divorcés dont, pendant le mariage, les relations patrimoniales étaient régies par un régime de communauté, constitue une indivision "post-communautaire" qui dure tant que l'actif communautaire n'a pas fait l'objet d'une liquidation et d'un partage. Mais, même sous le régime de la séparation de biens, on peut se trouver dans une situation "post-communautaire. Tel est le cas ou après le divorce, l'un d'eux jouit privativement d'un immeuble que durant le mariage, les époux avaient acquis en indivision. Dans cette situation, une indemnité d'occupation est due par l'ex-époux qui se maintient dans les lieux et ce, à compter de la date de l'assignation en divorce, qui dans les rapports patrimoniaux des époux, fixe le point de départ des effets de la décision de divorce (1ère Chambre civile 24 septembre 2014, pourvoi n°13-21005, BICC n°812 du 1er décembre 2014 et Legifrance).).
Le juge ne peut, à la demande du créancier personnel d'un indivisaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier. Il ne peut juger que le droit de l'usufruitière sera reporté sur le prix de vente. (1ère Chambre civile 13 juin 2019, pourvoi n° 18-17347, BICC n°912 cu 1er décembre 2019 et Legifrance).
Pour ce qui concerne la validité de la cession de biens indivis, la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2009, n° 07-18120, F P+B) rappelle qu'à peine de nullité de l'acte, l'indivisaire qui entend céder, à titre onéreux à une personne étrangère à l'indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis, est tenu de notifier à, ou aux autres, le nom, le domicile et la profession de la personne qui se propose d'acquérir. La nullité est encourue en raison de ce qu'en se dispensant de faire une telle notification, le cédant fait fraude au droit de préemption du ou des autres indivisaires. Est nulle la déclaration de préemption si l'offre du préempteur soumet la validité de celle ci à une condition qui n'était pas prévue dans l'offre initiale, telle une condition d'octroi d'un prêt pour le paiement du prix. (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n°10-28311, BICC n°761 du 1er mai 2012 et Legifrance).
Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. Le fait qu'un des indivisaires ait occupé l'immeuble indivis depuis plus de quinze ans sans avoir versé aucune somme au titre de l'indemnité d'occupation dont il est redevable et qu'il ait attendu plus d'un an pour donner mandat au notaire de le mettre en vente, justifie que le maintien dans les lieux de cet indivisaire soit jugé incompatible avec les droits concurrents d'un autre indivisaire sur l'immeuble indivis et qu'il soit ordonné à l'occupant de libérer l'immeuble (1ère Chambre civile 26 octobre 2011, pourvoi n°10-21802, BICC n°756 du 15 février 2012 ; même Chambre 30 janvier 2019, pourvoi n°18-12403 BICC n°903 du 1er juin 2019 et Legifrance). Consulter les notes de M. Gérôme Casey, AJ Famille 2019, p.155).
L'action engagée par le mandataire-liquidateur tendant à l'expulsion d'occupants sans droit ni titre et au paiement d'une indemnité d'occupation, qui avait pour objet la conservation des droits des coïndivisaires, entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d'un péril imminent (1ère Chambre civile 4 juillet 2012, pourvoi n°10-21967, BICC n°773 du 15 dédembre 2012 et Legifrance). En effet, tout indivisaire peut agir seul en justice pour la défense de ses droits indivis. Dire qu'en sollicitant la nullité du bail en raison d'un vice de son consentement et la réparation de son préjudice consécutif à la conclusion du bail, un indivisaire agissant seul exerçait une action personnelle étrangère aux dispositions de l'article 815-3 du code civil, une cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil (1ère chambre civile, pourvoi n°07-20635, BICC n° 710 du 1er novembre 2009 et Legifrance). Il peut déclarer une créance de l'indivision à la procédure collective du débiteur de l'indivision, puis, en l'état des désistements intervenus, il peut poursuivre, seul, devant la Cour, l'appel interjeté initialement par l'ensemble des coïndivisaires et l'administrateur judiciaire (1ère Chambre civile 14 mars 2012 pourvoi n°10-10006, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance).
La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a modifié l'article 815-5-1 du Code civil, pour, lorsqu'ils se trouvent en désaccord, dénouer la situation du ou des indivisaires qui souhaitent mettre fin à l'indivision. Trois règles importantes résultent des dispositions ci dessus et des arrêts de la Cour de cassation :
En cas d'indivision ou d'usufruit d'un lot, les intéressés doivent, sauf stipulation contraire du règlement de copropriété, être représentés par un mandataire commun qui sera, à défaut d'accord, désigné par le Président du tribunal à la requête de l'un d'entre eux ou du syndic (3e Chambre civile 30 mars 2011 pourvoi n°10-14381, LexisNexis et Legifrance).
Le partage convenu entre les indivisaires présents et capables n'est assujetti à aucune règle de forme de sorte qu'il peut être conclu par acte sous seing privé et que, s'il porte sur des biens soumis à publicité foncière, il doit être passé par acte notarié. Cette formalité a pour but d'assurer l'effectivité de la publicité obligatoire, mais le défaut d'authenticité de l'acte n'affecte pas sa validité (1ère Chambre civile 24 octobre 2012 pourvoi n°11-19855, BICC n°776 du 15 février 2013 et Legifrance). Consulter la note de M. Alexandre Paulin référencée dans la Bibliographie ci-après.
Les créanciers personnels d'un indivisaire ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur et les coindivisaires, celle d'arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit de ce dernier. L'exercice de cette faculté suppose que les coindivisaires qui offrent d'acquitter la dette, en connaissent le montant pour la payer et arrêter ainsi le cours de l'action en partage. Il appartient donc au juge du fond de faire droit à la demande d'expertise présentée par un co-indivisaire visant à faire déterminer le montant actualisé de l'obligation du débiteur lorsque cette demande est assortie d'une offre de paiement. (1ère Chambre civile 27 mai 2010, pourvoi n°09-11460, BICC n°729 du 15 octobre 2010, Lexis-Nexis et Legifrance). Consulter aussi la note de Madame Pouliquen référencée dans la Bibliographie ci-après et 1ère Civ. 20 décembre 1993, pourvoi n°92-11189, Bull. 1993, I, n°378.
Par similitude avec les dispositions de l'article 365, alinéa 2, de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966, sur le rachat éliminatoire des droits sociaux de celui qui demande la nullité de la société, dans le domaine de l'indivision, l'attribution éliminatoire se présente comme un partage partiel imposé, irrévocable. L'indivisaire qui a demandé le partage se trouve alloti sous le contrôle du tribunal. Ce mécanisme juridique est prévue par l'article 815, alinéa 3, ancien, et 824 nouveau du code civil, les articles 1873-1 et suivants de ce code renvoient à l'attribution préférentielle organisée par les articles 831 et 832 et suivants. Elle peut être demandée, sous les conditions prévues par la loi, lors du partage d'une indivision conventionnelle. (1ère Chambre civile 3 décembre 2014, pourvoi n°13-27627, BICC n°818 du 15 mars 2015 et Legiftance). Consulter la note de M. Jérôme Casey référencée dans la Bibliographie ci-après.
Textes
Bibliographie