par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 8 novembre 2012, 11-23524
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
8 novembre 2012, 11-23.524

Cette décision est visée dans la définition :
Faute Inexcusable




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° s P 11-23. 516 et X 11-23. 524 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., mineur de 16 ans scolarisé en classe de 3ème au lycée professionnel Jean Mermoz, a été victime d'un accident du travail le 26 janvier 2006 lors d'un stage de découverte au sein de la société Nouvelle Montery Gaillardet ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale qui a reconnu la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° X 11-23. 524, qui est recevable :

Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse) fait grief à l'arrêt de la condamner à faire l'avance d'un complément de provision ainsi que des frais d'un complément d'expertise destiné à déterminer des préjudices non visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale alors, selon le moyen, que s'il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, que la victime d'une faute inexcusable peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par ce texte, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue de faire l'avance que des sommes réparant les préjudices limitativement énumérés à l'alinéa 1er de cet article ; qu'en jugeant que cette décision avait uniquement rendu non limitative l'énumération des préjudices contenus dans ce texte de sorte que la caisse devait non seulement faire l'avance des frais du complément d'expertise destiné à établir les préjudices non visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais aussi faire l'avance du complément de provision réparant ce préjudice, la cour d'appel a violé cet article ;

Mais attendu qu'il résulte du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices allouée à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;

Et attendu qu'ayant reconnu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a décidé à bon droit que la caisse était tenue de verser à M. X... une provision à valoir sur les indemnisations que fixera la juridiction de sécurité sociale pour l'ensemble des préjudices subis par la victime et de faire l'avance des frais d'expertise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal n° P 11-23. 516 et le moyen unique du pourvoi incident X 11-23. 524 qui est recevable et qui sont identiques :

Vu l'article L. 412-8, 2°, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que ce texte étend aux élèves de l'enseignement technique le bénéfice de la législation professionnelle pour les accidents survenus au cours de cet enseignement ainsi que par le fait ou à l'occasion des stages auxquels il donne lieu mais ne prévoit pas de recours de l'établissement scolaire contre l'auteur de la faute ;

Attendu que, pour dire que la société nouvelle Montery Gaillardet, substituée à l'établissement scolaire, est l'auteur de la faute inexcusable à l'origine de l'accident et la condamner à garantir l'assureur de cet établissement, l'arrêt énonce que l'article 5 de la convention de stage passée entre le lycée et cette société stipulait que les stagiaires sont soumis aux règles générales en vigueur dans l'entreprise notamment en matière de sécurité ; qu'il s'en déduit que l'entreprise s'était engagée à l'égard du lycée à assumer l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur à l'égard de ses salariés et que la survenance de l'accident démontre que cette société a méconnu ladite obligation commettant par là même, dans l'exécution de la convention de stage, une faute qui est directement à l'origine du préjudice subi par le lycée et son assureur ;

Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Nouvelle Montery Gaillardet à garantir la Mutuelle assurance des instituteurs de France des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. X..., l'arrêt rendu le 24 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes de la Mutuelle assurance des instituteurs de France ;

Condamne la Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens du pourvoi n° P 11-23. 516 et du pourvoi incident n° X 11-23. 524 ; laisse à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados la charge des dépens du pourvoi principal n° X 11-23. 524 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen identique produit au pourvoi principal n° P 11-23. 516 et au pourvoi incident n° X 11-23. 524 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle Montery Gaillardet.

Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir décidé qu'une entreprise (la société NOUVELLE MONTERY G. AILLARDET, l'exposante), maître de stage d'un élève scolarisé dans un établissement d'enseignement technique (le lycée Jean MERMOZ) victime d'un accident du travail, avait, en qualité de substituée à l'établissement scolaire, commis une faute inexcusable à l'origine de cet accident, et de l'avoir déclarée tenue de garantir l'assureur dudit établissement ;

AUX MOTIFS QUE, en application des articles L. 412-8-2° et D. 412-6 du code de la sécurité sociale, M. X..., en qualité d'élève d'un établissement technique en stage au moment de l'accident, bénéficiait de la législation sur les accidents du travail et le lycée devait être considéré comme étant son employeur ; que, par conséquent, c'était bien contre le lycée représenté par l'agent judiciaire du Trésor que devait être dirigée l'action de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, peu important que l'accident se fût produit dans les locaux de la société NOUVELLE MONTERY GAILLARDET qui devait être regardée comme s'étant trouvée substituée, au sens des articles L. 452-1 à L. 452-4 du code de la sécurité sociale, au lycée pendant le stage ; que cette dernière, en cette qualité, avait commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, de sorte que la victime était fondée en sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, le lycée JEAN MERMOZ ; que l'article 5 de la convention de stage passée entre celui-ci et le maître de stage, la société NOUVELLE MONTERY GAILLARDET, stipulait que les stagiaires étaient soumis aux règles générales en vigueur dans l'entreprise notamment en matière de sécurité ; qu'il s'en déduisait que, s'agissant de la sécurité de M. X..., l'entreprise s'était engagée à l'égard du lycée à assumer l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur à l'égard de ses salariés ; que la survenance de l'accident démontrait la méconnaissance de cette obligation et la commission par l'entreprise, dans l'exécution de la convention de stage, d'une faute qui était directement à l'origine du préjudice subi par le lycée et son assureur ; que l'entreprise devait garantir ceux-ci des condamnations mises à leur charge en raison de l'accident considéré (arrêt attaqué, p. 3, 1er et 2ème al., p. 4, 7ème al., et p. 7, 4ème à 6ème al.) ;

ALORS QUE le maître de stage de l'élève d'un établissement d'enseignement technique qui a été victime d'un accident du travail au cours du stage, ne peut être tenu de garantir cet établissement des conséquences de l'accident ; qu'en décidant qu'en vertu des stipulations de la convention de stage conclue entre l'établissement d'enseignement technique et l'entreprise d'accueil de l'élève stagiaire, celle-ci devait garantir l'établissement scolaire des conséquences de l'accident du travail dont avait été victime l'élève à l'occasion du stage, la cour d'appel a violé l'article L. 413-8-2° du code de la sécurité sociale et l'article 1134 du code civil.


Moyen produit au pourvoi principal n° X 11-23. 524 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir ordonné un complément d'expertise confié au Docteur Y... pour qu'il donne son avis sur l'existence et l'importance des préjudices non visés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et après avoir fixé à 2. 000 euros le complément de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices d'AVOIR dit que la CPAM du CALVADOS devra faire l'avance de ce complément de provision ainsi que des frais du complément d'expertise.

AUX MOTIFS QUE sur les conséquences de la faute inexcusable pour la victime ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale que lorsque la faute inexcusable de son employeur est reconnue, le salarié a droit à une indemnisation complémentaire comportant d'abord une majoration de rente ou du capital qui lui est versée au titre de incapacité permanente ; que cette majoration, qui doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime, ne peut être réduite que lorsque le salarié a lui-même commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 453-1 du même code, c'est-à-dire lorsque l'intéressé a commis une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que comme il n'est pas allégué que Kévin X... aurait commis une faute inexcusable au sens précité, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé au maximum la majoration de rente ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ; que par ailleurs, si selon l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la victime d'une faute inexcusable a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ce texte doit être interprété à la lumière de la décision n° 2010 DC- 8QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 selon laquelle ces dispositions « ne sauraient sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacles à ce que (les victimes) puissent demander (devant la juridiction de sécurité sociale statuant en matière de faute inexcusable) à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale » ; que par conséquent, l'expertise ordonnée – avant le 18 juin 2010 – par le premier juge n'ayant porté que sur les préjudices énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, contrairement à ce que soutient la Caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, il doit être fait droit à la demande de Kévin X... tendant à voir ordonner un complément d'expertise afin de recueillir les éléments de nature à pouvoir apprécier, le cas échéant, l'existence et l'ampleur de préjudices non visés par l'article 452-3 précité ; qu'il faut préciser à cet égard qu'aucune des parties ne formule d'observations sur les chefs de préjudices dont Kévin X... demande qu'ils soient l'objet de ce complément d'expertise et qu'il a qualifiés par référence à une nomenclature applicable en droit commun de la réparation ; que le complément d'expertise sera par conséquent ordonné dans les termes mêmes de la demande de la victime (sauf à ne pas poser à nouveau des questions qui l'ont déjà été) sans que les termes de la mission confiée à l'expert puissent lier la cour quant aux postes de préjudices qui seront finalement indemnisés ; que le rapport d'expertise met en évidence que les préjudices mentionnés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale sont d'une importance telle que Kévin X..., est, de façon non sérieusement contestable, créancier d'une indemnisation justifiant l'octroi d'un complément de provision de 2. 000 euros ; Sur les obligations de la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il résulte de l'alinéa 3 de l'article L. 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices visés à l'alinéa 1er du même article est versé directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que par ailleurs, il résulte de la décision précitée du Conseil constitutionnel que la victime d'une faute inexcusable est en droit d'obtenir réparation, devant la juridiction de sécurité sociale, de l'ensemble des préjudices sous la seule réserve qu'ils ne soient pas couverts par les prestations, majorations et indemnités prévues par le livre IV ; que cette décision n'ayant pour portée que de modifier les termes de l'alinéa 1 de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et de faire que l'énumération contenue dans ce texte ne soit pas limitative, il convient d'en inférer que le complément d'expertise doit être mis en oeuvre dans les mêmes conditions que l'expertise initiale, c'est-à-dire, notamment, aux frais avancés par la caisse ; que pour les mêmes raisons, cette dernière devra en outre faire l'avance de la somme allouée à titre de complément de provision

ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, que la victime d'une faute inexcusable peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par ce texte, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie ne peut être tenue de faire l'avance que des sommes réparant les préjudices limitativement énumérés à l'alinéa 1er de cet article L. 452-3 ; qu'en jugeant que cette décision avait uniquement rendu non limitative l'énumération des préjudices contenus dans cet texte de sorte que la Caisse devait non seulement faire l'avance des frais du complément d'expertise destiné à établir les préjudices non visés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, mais aussi faire l'avance du complément de provision réparant ce préjudice, la Cour d'appel a violé cet article.



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Cette décision est visée dans la définition :
Faute Inexcusable


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.