par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 9 février 2012, 10-28197
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
9 février 2012, 10-28.197

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 4 du code de procédure civile, 176 et 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et qu'en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie, réitérées verbalement à l'audience, saisissent valablement le juge ; qu'il résulte des deux suivants que la procédure de contestation du montant et du recouvrement des honoraires d'avocat est orale, d'où il suit que, dans le cadre de l'instance ouverte sur recours de la décision du bâtonnier, les conclusions écrites déposées avant la date fixée saisissent le premier président dès lors que leur auteur est personnellement présent ou régulièrement représenté à l'audience ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que par contrat du 11 janvier 2008, la société L'Alpic a confié une mission de conseil stratégique à la société Croissance partenaires, avec possibilité pour cette dernière de recourir à des experts extérieurs, le montant de leurs honoraires étant fixé forfaitairement à la somme de 100 000 euros ; que la société Croissance partenaires a pris contact avec M. X..., avocat, qui a proposé à la société L'Alpic un plan d'action, qui n'a finalement pas été mis en oeuvre ; que la mission de la société Croissance partenaires a pris fin le 16 avril 2008 ; que M. X... a saisi le bâtonnier d'une demande de condamnation de la société L'Alpic à lui payer la somme de 134 853, 21 euros HT au titre de ses honoraires ;

Attendu que pour écarter des débats les conclusions et les pièces transmises par M. X... la veille de l'audience, l'ordonnance retient qu'il y a eu violation du principe du contradictoire, les conclusions et pièces ayant été transmises directement par l'intimé à la société L'Alpic le 20 septembre 2010 dans l'après-midi ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. X..., auteur des conclusions déposées la veille, comparaissait par avocat à l'audience du 21 septembre 2010, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 octobre 2010 par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société L'Alpic aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L'Alpic ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR rejeté des débats les conclusions et pièces transmises par Maître X... à la société L'ALPIC le 20 septembre 2010 et, statuant à nouveau, dit que la société L'ALPIC devait régler à Maître X... les honoraires afférents à ses diligences accomplies seulement au-delà du 16 avril 2008

AUX MOTIFS QU'" il convient de rejeter des débats, comme violant le principe du contradictoire, les conclusions et pièces (107 documents) transmises directement par l'intimé à la société L'ALPIC le 20 septembre après-midi » (ordonnance p. 2 § 5) ;

1) ALORS D'UNE PART QUE lorsque la procédure est orale la partie qui comparait est admise à déposer des conclusions jusqu'au jour de l'audience et si le juge estime que le principe du contradictoire l'exige, il doit renvoyer l'affaire à une prochaine audience ; Qu'en l'espèce, dans le cadre de la procédure de contestation d'honoraires, Maître X... ayant transmis à la société L'ALPIC le 20 septembre 2010 ses pièces et conclusions en réponse à celles que l'appelante avait déposées, soit avant l'audience des débats fixée au 21 septembre, le Premier Président de la Cour d'appel ne pouvait les écarter des débats sans violer l'article 16 du Code de procédure civile, l'article 177 du décret du 27 novembre 1991 et les principes du procès équitable et des droits de la défense ;

2) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents et pièces produites par les parties aux débats ; Qu'en l'espèce, pour les rejeter des débats, l'ordonnance attaquée retient que Me X... a produit 107 documents la veille de l'audience quand il ressort du bordereau de communication de pièces joint aux conclusions communiquées le 20 septembre 2010 à la société L'ALPIC que seules 14 nouvelles pièces avaient été produites en appel ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Premier président de la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code de civil et le principe sus rappelé ;

3) ALORS QUE s'il décide d'écarter des débats comme tardives des pièces ou conclusions, le juge doit caractériser les circonstances particulières qui auraient empêché le respect du principe du contradictoire ; Que pour écarter des débats les conclusions en réponse à celles de la société L'ALPIC et les pièces communiquées par Me X..., le Premier Président de la Cour d'appel s'est borné à dire qu'elles avaient été transmises à la société L'ALPIC le 20 septembre après-midi mais sans constater qu'elles soulevaient des prétentions ou des moyens nouveaux appelant une réponse ni vérifier si elles ne répondaient pas aux conclusions du 17 septembre 2010 de l'appelante et si les pièces communiquées n'avaient pas déjà été versées aux débats en première instance et si les seules 14 pièces nouvelles en appel n'étaient pas déjà connues comme étant des pièces de procédure ; Qu'en statuant comme il l'a fait, le Premier Président de la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION
(Subsidiaire)

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR jugé que la société L'ALPIC devait régler à Maître X... les honoraires afférent aux prestations réalisées seulement à compter du 16 avril 2008 et ainsi rejeté les demandes de Maître X... tendant à obtenir le paiement de ses honoraires par la société L'ALPIC pour les prestations accomplies antérieurement à cette date ;

AUX MOTIFS QUE « Considérant que par convention du 11 janvier 2008, la société L'ALPIC a confié à la société CROISSANCE PARTENAIRES pour un montant forfaitaire de 100. 000 € s une mission de conseil stratégique et d'accompagnement opérationnel ; Considérant qu'aux termes de l'article 2. 3 du contrat relatif aux moyens engagés, il était prévu que " CROISSANCE PARTENAIRES pourra recourir à des experts extérieurs (avocat, conseil juridique, consultant spécialisé...) en vue de la réussite de cette mission stratégique et sollicitera préalablement l'accord par écrit (email avec avis de confirmation de lecture) avant d'engager ce recours aux experts extérieurs " ; Considérant que la mise en oeuvre de cette disposition s'entend comme une modalité d'exécution du contrat (cf titre de l'article 2) dont les prestations sont soumises aux honoraires forfaitaires prévus à l'article 5 ; Considérant qu'il résulte des pièces aux débats que dans ce cadre le cabinet CVM X... a fait le 9 juillet 2008 lire 9 janvier 2008 une proposition de service, qui a été transmise à la société L'ALPIC, qui l'a acceptée, comme l'atteste le courrier du 17 mars 2009 de M J-P Y..., ancien associé du cabinet CROISSANCE PARTENAIRES ; Considérant qu'il ne saurait toutefois être déduit de cette acceptation, prévue dans la convention entre les sociétés CROISSANCE PARTENAIRES et L'ALPIC, que celle-ci avait pour conséquence de créer un engagement direct de la part de la société L'ALPIC au profit du cabinet CVM X..., qu'au demeurant les indications d'honoraires faites par ce cabinet dans sa proposition précitée pouvaient parfaitement entrer dans le cadre du forfait conclu avec la société CROISSANCE PARTENAIRES, qu'il appartenait, le cas échéant, à celle-ci, si elle n'était pas satisfaite de l'équilibre financier du contrat, de réclamer la conclusion d'un avenant modificatif à cette fin ; Considérant qu'il importe peu pour l'économie des relations contractuelles ci-dessus rappelées que, pour l'exécution des tâches confiées au cabinet CVM X..., la société L'ALPIC lui est directement fait parvenir certaines informations ; Considérant, en outre qu'il résulte clairement d'un courrier adressé le 16 mai 2008 par M Z..., gérant de la société L'ALPIC à Maître Ph. X... que ce premier, souhaitant clarifier les rapports de sa société avec le cabinet CVM X..., précisait que la relation initiale avec le cabinet était intervenue dans le cadre d'une mission confiée en janvier 2008 à la société CROISSANCE PARTENAIRES et que le budget estimé de 20 à 30 Keuros pour cette mission avait été accepté et réglé » (ordonnance p. 2 § 6 à 9 et p. 3 § 1 à 3) ;

1) ALORS QUE l'acceptation expresse d'une proposition de service précise et détaillée crée un contrat devant être exécuté de bonne foi par les parties ; Qu'en jugeant que la société L'ALPIC n'était pas liée contractuellement à Me X... avant le 16 avril 2008 quand il constatait lui-même que ladite société avait accepté la proposition de service transmise par Me X... le 9 janvier 2008, entretenu des relations directes avec ce dernier à compter de cette date et payé les premières factures qui lui étaient adressées par Me X..., le Premier Président de la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a ainsi violé les articles 1101 et 1134 du Code civil, ensemble, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

2) ALORS QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties et ne peuvent point nuire au tiers ; Qu'en l'espèce, pour exclure toute relation contractuelle entre Me X... et la société L'ALPIC avant le 16 avril 2008, le Premier Président a retenu qu'avant cette date, un contrat de mission stratégique avait été conclu le 11 janvier 2008 entre la société L'ALPIC et la société CROISSANCE PARTENAIRE permettant à celle-ci de recourir à des experts extérieurs pour accomplir la tâche qui lui était dévolue de sorte que les prestations de Me X... accomplies avant le 16 avril 2008 entraient dans le champ d'exécution de ce contrat de mission et il a opposé cette convention à Me X... quand celui-ci y était tiers en méconnaissance du principe de l'effet relatif des contrats et en violation de l'article 1165 du Code civil.

3) ALORS QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être opposées aux tiers ; Qu'en l'espèce, dès lors qu'il a lui même constaté l'existence de prestations effectuées avant le 16 avril 2008 par Me X... pour le compte de la société l'ALPIC et qu'il est constant qu'ALPIC avait directement réglé à son avocat les honoraires des mois de janvier et février 2008, le Premier Président de la cour d'appel ne pouvait rejeter les demandes de paiement du solde des honoraires dus relatifs aux

prestations effectuées avant le 16 avril 2008, en affirmant qu'elles entraient dans le forfait négocié entre les sociétés L'ALPIC et CROISSANCE PARTENAIRE, dans le cadre du contrat de mission du 11 janvier 2008, sans violer, ensemble, les articles 1134 et 1165 du Code civil.



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Avocat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.