par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 31 janvier 2012, 11-80010
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Cour de cassation, chambre commerciale
31 janvier 2012, 11-80.010

Cette décision est visée dans la définition :
Demande d'Avis




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Antoine Jorge X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 30 septembre 2010, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires, en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Distribution Casino a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personne non dénommée, après avoir fait constater par huissier, le 28 septembre 2007, que des messages mis en ligne dans le cadre d'un forum de discussion par des internautes usant de pseudonymes, la mettaient en cause dans des termes qui, selon la partie civile, étaient diffamatoires à son égard ; que l'information a établi qu'il s'agissait d'un "forum de discussion" créé par M. Jorge X..., afin de permettre l'expression des gérants non salariés de magasins Casino, dans le cadre du conflit judiciaire les opposant à la direction de la société Distribution Casino sur l'application du code du travail ; que seuls certains des messages mis en ligne avaient été rédigés par lui-même ; qu'à l'issue de l'information, M. Jorge X... a été renvoyé devant le tribunal qui l'a relaxé ; que le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de cette décision ; que la cour d'appel, après avoir écarté une exception de nullité présentée par le prévenu, l'a déclaré, en tant qu'administrateur et modérateur du forum de discussion, coupable de diffamation pour dix messages mis en ligne à compter du 21 septembre 2007 par lui-même ou d'autres personnes ;

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé contre cet arrêt, M. Jorge X... a déposé une question prioritaire de constitutionnalité invoquant l'inconstitutionnalité de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle en ce qu'il vise le producteur ; que, par décision du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article susvisé conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution, sous réserve que ses dispositions ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 184, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la citation initiale des prévenus et l'ordonnance de renvoi qui la fondait et a ensuite retenu la culpabilité du prévenu et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que les prévenus ont été cités par le ministère public pour avoir commis les faits qui sont reprochés par le juge d'instruction suivant l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en date du 30 octobre 2009 ; que c'est l'acte initial de poursuite qui fixe irrévocablement la nature et l'étendue de celle-ci quant aux faits et à leur qualification, le juge d'instruction n'ayant en matière de diffamation d'autre pouvoir que de rechercher les auteurs des allégations incriminées et leur rôle respectif dans la commission de l'infraction ; que les insuffisances éventuelles de l'ordonnance de renvoi quant à la nature, l'étendue et la qualification des faits déférés à la juridiction de jugement sont en conséquence sans influence sur sa validité ; qu' en l'espèce, conformément à l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, l'acte initial de poursuite est la plainte déposée par la société DCF le 20 décembre 2007 ; que la régularité de cette plainte au regard des dispositions de l'article 50 de la loi n'a jamais été critiquée et la cour est par conséquent régulièrement saisie des faits qui y sont précisément articulés et qualifiés ; que les termes de la plainte permettaient aux prévenus de connaître précisément les faits dont ils devaient répondre et d'organiser leur défense par rapport à l'ensemble des allégations incriminées, notamment en contestant être les auteurs des propos allégués de diffamation ou le caractère diffamatoire de ces propos ou avoir contribué délibérément à leur diffusion ; qu'ils n'ont donc subi aucun grief du fait des éventuelles insuffisances de la citation et ne sont pas fondés à en voir prononcer la nullité ;

"alors que, si, en droit de la presse, l'acte initial de poursuite, le réquisitoire introductif d'instance ou la plainte avec constitution de partie civile, fixe définitivement les termes de la prévention, lorsqu'un magistrat instructeur a été désigné pour établir l'identité des auteurs des propos en cause et si ceux-ci sont multiples, il doit préciser quels propos peuvent être attribués à chacun de ces auteurs, afin qu'ils ne soient pas appelés à répondre de propos qui ne leur seraient pas imputables ; qu'après avoir rappelé que la plainte avec constitution de partie civile se référait à soixante et onze passages provenant de différents blogueurs, que la plaignante estimait comme diffamatoires à son encontre, la cour d'appel considère que cette plainte qui qualifiait pénalement cette infraction, répondait aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse et permettait l'exercice des droits de la défense ; qu'en l'état de tels motifs, en considérant que les prévenus devaient répondre et organiser leur défense par rapport à l'ensemble des allégations incriminées, notamment en contestant être les auteurs de certains propos ou avoir contribué délibérément à leur diffusion, la cour d'appel, qui refuse de prendre en compte le fait qu'il appartenait au magistrat instructeur de préciser les propos qui pouvaient être imputés aux prévenus en qualité d'auteur, lorsqu'ils étaient poursuivis à ce titre, et qui ne prend pas en compte le fait que ni l'ordonnance de renvoi ni la citation ne permettaient au prévenu de savoir que l'ensemble des propos en cause dans la plainte avec constitution de partie civile pouvait lui être imputé en vertu d'une qualité non définie, a méconnu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, ensembles les droits de la défense" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité prise de l'irrégularité, au regard de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de la citation et de l'ordonnance de renvoi qui en était le support, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, d'une part, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la plainte avec constitution de partie civile, qui constitue l'acte initial de la poursuite, précise le contenu exact de chacun des propos incriminés, la date de sa mise en ligne, le pseudonyme utilisé par l'émetteur du message, le caractère diffamatoire allégué, ainsi que les textes répressifs applicables et que, d'autre part, l'information ayant permis d'identifier M. Jorge X... comme étant le créateur du forum de discussion et l'auteur des seuls propos incriminés sous trois pseudonymes, dont celui d'Admin, la réunion de ces éléments rappelés dans l'ordonnance de renvoi mettait le prévenu en mesure, comme l'exige l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 184 du code de procédure pénale, de savoir sans ambiguïté de quels faits précis il aurait exclusivement à répondre, et en quelle qualité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée, 29, 32, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 112-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Jorge X... coupable de diffamation envers la société Casino distribution et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que c'est également à bon droit que le tribunal a dit que M. Jorge X... devait, en sa qualité d'administrateur et de modérateur de forum de discussion gérant 42, répondre non seulement du contenu des messages émis sous ses pseudonymes mais également des messages émis par les utilisateurs du site et expressément visés dans la plainte initiale, hormis les messages antérieurs au 21 septembre 2007, atteints de prescription ; que subsistent les treize messages suivants, tous postérieurs au 20 septembre 2007, allégués comme diffamatoires par la partie civile ;
que la société DCF dispose d'un réseau de magasins de proximité exploités individuellement par des gérants non salariés dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun ; que les gérants non salariés étant dans la dépendance économique de leur mandant, l'article L. 782-7 (devenu L. 7322-1) du code du travail impose à l'entreprise propriétaire de la succursale d'appliquer à leur profit certaines dispositions du code du travail ; qu'alors que cette législation laisse peser sur eux la responsabilité d'un dirigeant d'entreprise en ce qui concerne le fonctionnement économique de la succursale, un certain nombre de gérants non salariés de succursales Casino, dont le combat est accompagné ou repris par le syndicat CGT, cherche à obtenir l'allégement de cette responsabilité par la reconnaissance des mêmes droits que les salariés en matière de durée du travail et de protection sociale notamment ; que cette polémique donne lieu à d'âpres débats judiciaires avec la société DCF depuis plusieurs années ; que la lecture des constats versés au dossier fait apparaître que le forum de discussion gérant 42, même s'il est ouvert à tous les utilisateurs d'internet, reçoit essentiellement les doléances de gérants de magasins de proximité en difficulté, des commentaires syndicaux à partir de ces situations particulières et que s'y expriment quasi exclusivement les gérants concernés ou des personnes qui s'intéressent à leur combat ; que le visiteur de ce forum de discussion ne peut donc avoir aucun doute sur le fait qu'il est un lieu de défense des intérêts des gérants des supérettes Casino ; que si les propos incriminés ne peuvent être appréciés indépendamment de ce contexte, les conditions d'expression sur un forum de discussion public et sous couvert d'anonymat ne sont pas celles du débat syndical tel qu'organisé et circonscrit par le code du travail ; que le forum gérant 42 ne peut donc pas être assimilé à un lieu réservé au débat syndical et bénéficier de la liberté d'expression reconnue en cette matière ; qu'ainsi, le fait que les discussions ouvertes sur ce forum s'intègrent dans une polémique syndicale n'autorise pas la stigmatisation de l'attitude patronale par l'imputation d'agissements illégaux, déloyaux ou malveillants ; qu'il convient donc d'analyser chacun des propos incriminés au regard de ces critères ; que les propos numérotés 3, 4 et 5 doivent se lire globalement s'agissant de messages qui se suivent et par rapport au contenu du message initial "Accident du travail = licenciement" auquel ils font écho et dans lequel la gérante exposait qu'elle et son mari avaient dû attendre trois mois avant de recevoir les documents de prise en charge ce qui les avait contraints à faire l'avance de frais médicaux particulièrement lourds alors que pendant ce temps, ils n'avaient perçu aucune indemnité ; qu'ils se comprennent comme imputant à la direction de Casino d'avoir failli à ses obligations en tardant à effectuer les déclarations qui lui incombaient s'agissant d'accidents du travail, le terme encore une fois du propos suggérant qu'il s'agissait d'une pratique habituelle de la direction et le propos attribuant à cette violation un caractère délibéré comme faite avec l'intention de porter atteinte aux droits des gérant ; que si le droit de libre critique dans le cadre syndical autorise la stigmatisation de certains aspects désavantageux du statut des gérants et la critique des positions de la direction face à ces difficultés, il n'autorise pas à imputer aux dirigeants des comportements répréhensibles ou malveillants à l'égard des gérants : que les propos ci -dessus incriminés excèdent les limites de la libre critique qu'autorise l'expression syndicale dans le cadre d'un forum de discussion public et sont diffamatoires comme portant atteinte à la considération de la société Casino ; que les propos numérotés 6 et 7 imputent à la direction de Casino d'exploiter les gérants en les payant trente-cinq heures par semaine pour soixante heures d'ouverture et en leur demandant encore d'élargir leurs horaires d'ouverture, c'est à dire de les faire travailler dans des conditions indignes, et de recourir au chantage à la mutation, c'est à dire à des moyens de pression déloyaux, pour obtenir qu'ils élargissent leurs horaires de travail  ; que ces propos comportent l'imputation d'un fait précis portant atteinte à la considération de Casino que le droit de libre critique syndicale dans le cadre d'un forum de discussion public n'autorise pas à stigmatiser la politique des dirigeants en matière d'horaires d'ouverture des magasins par l'affirmation qu'ils recourent à des procédés immoraux et illégaux pour parvenir à sa mise en oeuvre ; que les propos 9, 10, 11, 12 et 13 imputent à la société de violer les dispositions du code du travail en matière d'horaires de travail et de repos hebdomadaire et de recourir à du chantage à la mutation ou au licenciement pour imposer cette situation aux gérants ; que ces propos comportent l'imputation d'un fait précis portant atteinte à la considération de Casino ; que le droit de libre critique syndicale dans le cadre d'un forum de discussion public n'autorise pas à stigmatiser la politique des dirigeants en matière d'horaires d'ouverture des magasins par l'affirmation qu'ils recourent à des procédés immoraux et illégaux pour parvenir à sa mise en oeuvre ; que la bonne foi se caractérise par la prudence et la mesure dans l'expression de la pensée, le respect du devoir d'enquête préalable, l'absence d'animosité personnelle envers le diffamé et l'intention de poursuivre un but légitime ; que la seule légitimité du but poursuivi invoquée par les prévenus ne suffit pas à les constituer de bonne foi ; que les propos incriminés se caractérisent par une absence de prudence et de mesure dans l'expression ; que la défense n'invoque aucune enquête préalable, en tout état de cause impossible compte tenu de ce que les propos diffamatoires ont été tenus au vu d'affirmations anonymes pouvant ne correspondre à aucune réalité ; que M. Jorge X... sera en conséquence retenu dans les liens de la prévention du chef des propos ci-dessus analysés comme diffamatoires ;

"et aux motifs adoptés qu'en sa qualité d'administrateur et de modérateur de site, M. Jorge X... doit répondre du contenu des messages émis sous ses pseudonymes "adm", "PC 64" et "Y... Antoine", ainsi que de l'ensemble des messages émis par les utilisateurs du site, dès lors que ces messages sont expressément visés dans la plainte initiale et qu'ils ont été émis au cours de la période limitée par l'application de la prescription ;

1°) "alors qu'en déclarant le prévenu coupable de diffamation à raison de propos qu'il n'a pas prononcés lui-même, la cour d'appel a méconnu les limites de l'acte de prévention qui, en disant qu'il devait répondre de propos visés dans la plainte et notamment ceux qu'elle précisait, n'a pas entendu le rendre responsable de l'ensemble des propos en cause ; qu'en se prononçant sur d'autres propos que les passages expressément visés dans l'acte de prévention et qui lui étaient attribués, la cour d'appel a méconnu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881 et 388 du code de procédure pénale ;

2°) "alors qu'en vertu de l'article 93-3 de la loi 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public ; qu'il ajoute qu'à défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal ; que le dernier alinéa de l'article, ajouté par la loi du 12 juin 2009, précise que lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ; qu'en retenant la responsabilité du prévenu, indépendamment du point de savoir s'il en était l'auteur ou pas, au motif qu'il était administrateur et modérateur du forum de discussion sur lequel avaient été diffusés les propos incriminés, la cour d'appel, qui n'a pas expliqué si sa responsabilité pouvait être retenue en qualité de directeur de publication ou de producteur, seules personnes pouvant éventuellement se voir imputer les messages de tiers en cas de communication en ligne, a privé sa décision de base légale ;

3°) "alors que, dès lors qu'elle n'avait pas constaté que les messages étaient préalablement fixés, ce que le prévenu contestait, la cour d'appel ne pouvait retenir la responsabilité de ce dernier en qualité de directeur de publication au sens de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 précitée, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;

4°) "alors que, l'article 27 de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet a ajouté un dernier alinéa à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 précitée, précisant que lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ; qu'en envisageant uniquement la responsabilité du directeur de publication, sans faire référence au producteur, le législateur a entendu ne pas retenir la responsabilité d'un éventuel producteur pour la communication en ligne de messages d'internautes dans un espace de contributions personnelles ; qu'une telle disposition, plus douce, devait donc être appliquée rétroactivement ; qu'il en résultait que le prévenu ne pouvait être condamné pénalement en qualité de producteur ;

5°) "alors que, le constat que le prévenu avait créé un forum de discussion à partir de l'ordinateur de sa compagne et avait déterminé l'objet de ce forum, sans qu'il ait recherché aucun intérêt financier dans l'opération et sans que l'ensemble des propos échangés puisse être considéré comme son oeuvre, ne permettait pas à la cour d'appel de retenir la culpabilité du prévenu en qualité de producteur au sens de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ;

6°) "alors qu'à supposer que la responsabilité du prévenu puisse être retenue en sa qualité de producteur au sens de l'article 93-3 de la loi de 29 juillet 1982, une telle disposition devra rester inappliquée dès lors qu'elle est contraire, d'une part, aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elle permet d'imputer à une personne qui, ne saurait-elle rien du contenu des messages diffusés sur son forum ou blog, serait déclarée coupable de diffamation publique, en réalité commise par d'autres, d'autre part, est contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en créant une différence de traitement entre le directeur de publication et le production injustifiée, et, enfin, est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 faute pour le législateur d'avoir au moins précisé ce qu'il entendait par la notion de producteur dans le cadre de la communication en ligne" ;

Vu l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle ;

Attendu qu'il s'évince de ce texte que la responsabilité pénale du producteur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, n'est engagée, à raison du contenu de ces messages, que s'il est établi qu'il en avait connaissance avant leur mise en ligne ou que, dans le cas contraire, il s'est abstenu d'agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance ;

Attendu que, pour déclarer M. Jorge X... coupable de diffamation à raison du contenu de certains messages émis sous ses pseudonymes, mais également par les utilisateurs du site, l'arrêt relève que le prévenu doit en répondre en sa qualité d'administrateur et de modérateur du forum de discussion en cause ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, qui ne suffisent pas à établir qu'en sa qualité de producteur, M. Jorge X... avait eu connaissance, préalablement à leur mise en ligne, du contenu des messages émis par les utilisateurs, ou s'était abstenu d'agir quand il en avait eu connaissance, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen de cassation proposé ;

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 septembre 2010, en ses seules dispositions ayant condamné M. Jorge X... pour diffamation à raison du contenu de dix messages mis en ligne à compter du 21 septembre 2007, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Demande d'Avis


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.