par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 14 octobre 2009, 08-40723
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Cour de cassation, chambre sociale
14 octobre 2009, 08-40.723

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Sauvegarde des entreprises
Droit du Travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu la connexité, joint les pourvois n° E 08 40.723 à U 08 40.736 et N 08 43.099 à S 08 43.103 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Colmar, 6 décembre 2007 et 29 avril 2008) que M. X... et 18 autres salariés de la société de droit allemand Isotech dont le siège social se situait à Karlsruhe et qui exerçaient leur activité au sein de l'établissement français de cette société ouvert à Schweighouse ont pris acte en mai 2003 de la rupture de leur contrat de travail à raison du non paiement des salaires depuis le 31 mars 2003 ; que la société Isotech a fait l'objet d'une procédure collective ouverte, en application du règlement communautaire n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, par jugement de l'Amtsgericht de Karlsruhe du 7 avril 2003 désignant M. Y... en qualité d'administrateur provisoire ; que, soutenant que leurs prises d'acte s'analysaient en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en fixation de leur créance correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés, à l'indemnité de licenciement, à une indemnité au titre de la réduction du temps de travail, ainsi qu'à des dommages intérêts pour perte d'emploi et non respect de la procédure de licenciement ;

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le retard dans le paiement du salaire caractérise à lui seul un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié s'analysait en une démission après avoir constaté que l'employeur avait un retard d'un mois et dix huit jours dans le paiement des salaires à la date de la décision du salarié de mettre fin à son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 du code civil et L. 121 1, L. 122 4, L. 122 14 3 et L. 122 14 4 du code du travail alors en vigueur, actuellement articles L. 1221 1, L. 1231 1, L. 1232 1 et L. 1235 3 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant que le salarié avait sans aucun doute été informé de la situation financière de son employeur, pour le débouter de ses demandes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en se bornant à dire que le salarié avait sans aucun doute été informé de la situation financière de son employeur, sans aucunement préciser les éléments sur lesquels elle entendait fonder une telle affirmation, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et ainsi de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l'ouverture d'une procédure collective ne dispense pas l'employeur du paiement des salaires ; qu'en retenant que "ce jugement qui constituait la société Isotech en état de cessation des paiements puisqu'il lui interdisait d'effectuer tout acte de disposition, de recevoir tout paiement et suspendait toute mesure d'exécution forcée, avait nécessairement effet à l'égard de tous et notamment les salariés, même s'ils n'ont pas été parties à la procédure" pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'en application des articles 16 et 17 du règlement communautaire n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3 de ce règlement est reconnue dans tous les autres Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'état d'ouverture et produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre Etat membre, les effets que lui attribue la loi de l'Etat d'ouverture ;

Et attendu, ensuite, qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les 2e et 3e branches du moyen, la cour d'appel a constaté que l'ouverture en Allemagne, en application du règlement susvisé d'une procédure collective à l'égard de l'employeur, le 7 avril 2003, soit avant les prises d'acte de la rupture, en mai 2003, était à l'origine du non paiement des salaires depuis cette date ; qu'elle a ainsi fait ressortir que la carence de l'employeur dans le paiement des salaires ne pouvait être fautive qu'entre le 30 mars et de 7 avril 2003, et a souverainement décidé que ce manquement ne suffisait pas à justifier la décision des salariés de prendre acte de la rupture de leur contrat de travail dès lors qu'était mise en oeuvre la garantie des créances salariales liées à l'insolvabilité de l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... et 18 autres demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen unique commun produit aux pourvois n° E 08 40.723 à U 08 40.736 et N 08 43.099 à S 08 43.103 par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X... et 18 autres demandeurs.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes en fixation de leurs créances à titre de dommages intérêts pour perte d'emploi et défaut de respect de la procédure de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés.

AUX MOTIFS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits dénoncés justifiaient la rupture et d'une démission dans le cas contraire ; que le salarié fait grief à son employeur de n'avoir pas payé le salaire du mois d'avril 2003, qui était échu le 1er mai 2003 « le salaire du mois de mai 2003, qui était échu le 31 mai 2003 soit le jour même où la salariée a pris acte de la rupture » concernant Madame Z..., « des mois d'avril et mai 2003 qui étaient échus le 1er mai 2003, respectivement le 1er juin 2003 » concernant Messieurs A... et B..., « le salaire du mois de mai 2003 qui était échu le 1er juin » concernant Monsieur C... ; qu'il est constant que le paiement des salaires à bonne date constitue l'obligation essentielle à la charge de l'employeur et que de simples difficultés économiques ne sauraient autoriser l'employeur à s'affranchir de cette obligation ; que la gravité de ce manquement doit être appréciée au regard de la connaissance que pouvait avoir le salarié à la date du 31 mai 2003 18 mai pour Monsieur X..., 11 mai pour Messieurs D..., E... et F..., 16 juin pour Monsieur A..., 25 mai pour Messieurs G... et H..., 1er juin pour Monsieur B... et Madame C... de la situation économique de l'entreprise allemande et de l'imminence du dépôt de bilan, qui devait permettre le règlement rapide des salaires par l'organisme de garantie ; qu'en l'espèce, il est manifeste que le salarié avait connaissance de la situation économique de la société ISOTECH qui avait fait l'objet d'un premier jugement de l'AMTSGERICHT de KARLSRUHE le 7 avril 2003 ouvrant la procédure collective de la société et désignant Me Y... en qualité d'administrateur provisoire, cette connaissance étant manifestement relayée par Monsieur C... directeur du site de SCHWEIGHOUSE, en liaison avec la Direction allemande et l'administrateur Maître Y... ; qu'au demeurant, ce jugement qui constituait la société ISOTECH en état de cessation des paiements puisqu'il lui interdisait d'effectuer tout acte de disposition, de recevoir tout paiement et suspendait toute mesure d'exécution forcée, avait nécessairement effet à l'égard de tous et notamment les salariés, même s'ils n'ont pas été parties à la procédure ; que dans ce contexte, la prise d'acte de la rupture ne permet pas d'en imputer les effets à l'employeur alors que le salarié savait manifestement qu'une procédure collective était d'ores et déjà ouverte en Allemagne et qu'une issue rapide allait intervenir dans le cadre des dispositions collectives (motifs concernant l'ensemble des salariés à l'exception de Messieurs C..., A..., H..., B... et F...) ; qu'au demeurant, le retard du paiement du salaire depuis 12 jours dans un contexte de difficultés économiques connu des salariés ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur (motif concernant Monsieur F... et Monsieur C...) ; que par ailleurs la société ISOTECH avait fait l'objet d'un second jugement le 1er juin 2003, ouvrant la procédure d'insolvabilité, jugement ayant fait l'objet des publications légales et ayant effet à l'égard de tous ; que ce retard du paiement du salaire dans un contexte de difficultés économiques connu des salariés ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur (concernant Monsieur A...) ; qu'au surplus, le retard du paiement du salaire depuis 25 jours dans un contexte de difficultés économiques connu des salariés, qui avaient connaissance de l'imminence de la liquidation judiciaire, ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur (motif concernant Monsieur H...) ; qu'au surplus, le retard du paiement du salaire depuis 18 jours dans un contexte de difficultés économiques connu des salariés, qui avaient connaissance de l'imminence de la liquidation judiciaire, ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur (motif concernant Monsieur B...) que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu' il a dit et jugé que la prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'une démission et a rejeté les demandes du salarié portant sur les indemnités de rupture ainsi que les dommages intérêts.

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE en prenant acte de la rupture de son contrat de travail, le salarié prend l'initiative d'une rupture dont il impute la responsabilité à l'employeur ; qu'en d'autres termes, il se considère comme licencié ; que la Cour de cassation considère que « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission » (Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-42.335 ; Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-42.578 ; Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-43.679, Bull. civ. V, n° 209) ; que pour qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; qu'en l'espèce le salarié a remis en mains propres sa prise d'acte de rupture à Monsieur C... directeur, qui sans aucun doute a informé le demandeur de la situation financière désespérée de la société ; que la prise d'acte est intervenue à quelques jours de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ; que la Cour de cassation a jugé que les salariés, dont la situation était sur le point d'être débloquée ou plaignant du non paiement d'un mois de salaire, ne pouvait se prévaloir d'un manquement suffisant pour que la rupture produise les effets d'un licenciement ; que le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 18 mai 2003 pour non paiement de sa rémunération depuis le 31 mars 2003 soit 1 mois et 18 jours ; que par lettre du 20 février 2004, Madame I... contrôleur du travail précise que l'examen des divers registres uniques du personnel permet de constater que 25 salariés d'ISOTECH ont été repris par les deux sociétés WORKELEC créée en 2002 et SOCOTRAS créée en 1994 ; que dans la liste des salariés susvisés on retrouve le salarié , ainsi que Monsieur Edwin C... gérant de SOCOTRAS et Madame Z... gérante de WORKELEC ; que la lettre de Madame I... nous dit aussi que les locaux communs des sociétés WORKELEC et SOCOTRAS à SCHWEIGHOUSE sont les mêmes qu'occupait ISOTECH ; qu'en conséquence le Conseil dit et juge, dans l'exercice du pouvoir qu'il tient des article L. 122-13 et L. 12214-3 du Code du travail, que les griefs invoqués par le salarié ne justifiaient pas la rupture, de sorte qu'elle produise les effets d'une démission.

ALORS QUE le retard dans le paiement du salaire caractérise à lui seul un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié s'analysait en une démission après avoir constaté après avoir constaté que l'employeur avait un retard d'un mois et dix huit jours dans le paiement des salaires à la date de la décision du salarié de mettre fin à son contrat de travail, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1, L. 122-4, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail alors en vigueur, actuellement articles L. 1221-1, L. 1231 1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du Code du travail.

ET ALORS QU'en retenant que le salarié avait sans aucun doute été informé de la situation financière de son employeur, pour le débouter de ses demandes, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS en toute hypothèse QU'en se bornant à dire que le salarié avait sans aucun doute été informé de la situation financière de son employeur, sans aucunement préciser les éléments sur lesquels elle entendait fonder une telle affirmation, la Cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et ainsi de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

ET ALORS enfin QUE l'ouverture d'une procédure collective ne dispense pas l'employeur du paiement des salaires ; qu'en retenant que « ce jugement qui constituait la société ISOTECH en état de cessation des paiements puisqu'il lui interdisait d'effectuer tout acte de disposition, de recevoir tout paiement et suspendait toute mesure d'exécution forcée, avait nécessairement effet à l'égard de tous et notamment les salariés, même s'ils n'ont pas été parties à la procédure » pour débouter le salarié de ses demandes, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.