par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 14 février 2007, 04-47110
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Cour de cassation, chambre sociale
14 février 2007, 04-47.110

Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail




Vu leur connexité, joint les pourvois n° 04-47.110 et 04-47.203 ; Attendu que la société nationale immobilière (SNI), qui exploitait à Nîmes un ensemble immobilier à usage locatif dénommé "le Clos d'Orville" où étaient employés des salariés chargés du gardiennage et de l'entretien, a informé ce personnel, le 15 juillet 2003, de la reprise prochaine de cette résidence par la société d'HLM Vaucluse logement (Vaucluse logement) et du transfert des contrats de travail à cette dernière, au premier jour du mois suivant la conclusion de l'acte de vente ; que le 24 novembre 2003, la société SNI a vendu l'ensemble immobilier à la société Vaucluse logement, par un acte notarié qui prévoyait la poursuite de divers contrats par l'acquéreur et, notamment, des contrats de travail des salariés qui étaient attachés, aux conditions prévues dans un état annexé à cet acte ; que la société Vaucluse logement a proposé le 11 décembre 2003 de nouveaux contrats de travail aux salariés, qui lui ont répondu le 18 décembre suivant que leurs contrats devaient se poursuivre de plein droit avec elle, en application de l'article L. 122-12 du code du travail ; que le 9 janvier 2004, les salariés ont été licenciés par la société SNI pour motif économique ; qu'ils ont saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montpellier pour obtenir la poursuite de leurs contrats de travail en l'état, en demandant ensuite en appel le paiement de provisions ; Sur les premiers moyens réunis des pourvois des sociétés SNI et Vaucluse logement, Attendu que les sociétés SNI et Vaucluse logement font grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 septembre 2004), d'avoir ordonné la poursuite des contrats de travail par cette dernière en l'état alors, selon le moyen de la société SNI : 1°/ qu'un immeuble à usage locatif ne constitue pas un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre de sorte que les contrats de travail des employés chargés de son entretien ne pouvaient être transférés, dans le cadre de l'article L. 122-12 du code du travail, au nouveau propriétaire de l'immeuble, lors de sa cession ; que dès lors en retenant que la description de l'opération de transfert de la propriété de 360 logements appartenant à la société SNI, avec les baux y afférent, le dispositif constitué par les gardiens d'immeubles, les employés d'immeubles, et l'ensemble des contrats relatifs aux assurances et autre, s'inscrivait dans le cadre de l'application de l'article L. 122-12 du code du travail de sorte que les contrats de travail litigieux devaient être transférés en l'état à la société d'HLM Vaucluse logement acquéreur de la résidence "Le Clos d'Orville", la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions de l'article susvisé ; 2°/ qu'en retenant leur compétence pour statuer en formation de référé sur les demandes des salariés, en raison d'un trouble illicite tiré d'une prétendue violation des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, quand bien même cet article ne trouvait pas à s'appliquer au litige relatif à la cession d'un immeuble à usage locatif, de sorte que les conditions d'application des articles R. 516-30 et R. 516-31 du code du travail n'étaient pas réunies, en l'absence tant d'une obligation non sérieusement contestable que d'un trouble manifestement illicite, les juges des référés ont violé les dispositions de ces articles, ensemble l'article 484 du nouveau code de procédure civile, et commis un excès de pouvoirs ; 3°/ qu'en retenant leur compétence pour statuer en formation de référé sur les demandes des salariés, en raison d'un trouble illicite tiré d'une prétendue violation des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, sans caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite, les juges des référés ont privé leur décision de toute base légale au regard de l'article R. 516-31 du code du travail ; et alors, selon le moyen de la société Vaucluse logement, 1°/ que l'application de l'article L. 122-12 du ccode du travail n'a pas pour effet de rendre immuables le contrat de travail qui subsiste avec le nouvel employeur ; que, par suite, les dispositions de ce texte ne font pas obstacle à ce que le nouvel employeur, comme aurait pu le faire l'ancien employeur, apporte des modifications aux conditions de travail, voire au contrat de travail, sauf, dans ce dernier cas, pour le salarié qui ne les accepte pas à se considérer comme licencié ; qu'au cas d'espèce, en déduisant l'existence d'un trouble manifestement illicite de ce que la société d'HLM Vaucluse logement aurait exigé que les huit salariés repris acceptent des modifications à leur contrat de travail, ce qu'elle pouvait légitimement faire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; 2°/ qu'en toute hypothèse, à l'occasion du transfert du contrat de travail en application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, le nouvel employeur peut modifier les conditions de travail des salariés repris ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, sans rechercher si les modifications proposées par la société d'HLM Vaucluse logement et notamment celles relatives à la mobilité des salariés ou à l'emploi de leur véhicule personnel ne constituaient pas de simples modifications des conditions de travail, la cour d'appel a privé leur décision de base légale au regard des articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; 3°/ qu'en cause d'appel, la société d'HLM Vaucluse logement avait fait valoir que les huit salariés ne pouvaient se prévaloir d'aucun intérêt à agir en référé, dans la mesure où à la date de l'assignation, aucune des parties ne contestaient que les contrats de travail avaient bien été transférés à compter du 1er décembre 2003, et qu'ils s'étaient poursuivis avec la société d'HLM Vaucluse logement, y compris après le licenciement du 9 janvier 2004 qui n'a eu aucun effet sur la situation de travail des salariés et n'a supprimé aucun emploi ; qu'en statuant comme ils l'on fait, sans répondre à cette fin de non-recevoir et sans rechercher si, compte tenu des conditions dans lesquelles s'était poursuivi leur contrat de travail, les salariés avaient conservé un intérêt à agir en référé, la cour d'appel a violé les articles 31 et 455 du nouveau code de procédure civile, ensemble les articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a retenu que la cession ne portait pas seulement sur un ensemble immobilier, mais qu'elle emportait également reprise du service de gardiennage et d'entretien qui en relevait, ainsi que des contrats nécessaires à l'exploitation de la résidence, a pu en déduire le transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ; Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que la société SNI, en notifiant des licenciements économiques après la date d'effet de la cession, et la société Vaucluse logement, en subordonnant la poursuite des contrats de travail à leur modification, avaient empêché l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, la cour d'appel a pu en déduire que cette situation, qui n'avait pas cessé du seul fait de la reprise du personnel par la société cessionnaire, caractérisait un trouble manifestement illicite ; que les moyens ne sont pas fondés ; Sur les seconds moyens réunis des pourvois des sociétés SNI et Vaucluse logement : Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir alloué des provisions aux salariés, alors, selon le moyen de la société SNI ; 1°/ que le juge des référés ne peut accorder une provision que si l'existence de l'obligation invoquée n'est pas sérieusement contestable ; que dès lors en se déterminant comme elle l'a fait, pour octroyer à chaque salarié une provision importante de 20 000 euros, sans même rechercher si l'obligation invoquée par les salariés, à savoir le transfert en l'état de leurs contrats de travail par la SNI à la société d'HLM Vaucluse logement, n'était pas sérieusement contestable et n'avait pas été contestée par la SNI, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 516-31 du code du travail ; 2°/ que la fraude ne se présume pas, de sorte qu'en retenant l'existence d'une collusion frauduleuse entre les sociétés SNI et Vaucluse logement et tendant à écarter les dispositions d'ordre public de l'article L. 122-12 du code du travail, pour les condamner à verser à chacun des salariés une provision de 20 000 euros à valoir sur leur préjudice, quand bien même le transfert de plein droit des contrats de travail ne s'imposait à l'évidence pas dans le cadre d'une opération de cession d'un immeuble à usage locatif et que la preuve d'une telle collusion n'était pas établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 122-12 et 516-31 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ; 3°/ qu'en retenant l'existence d'une collusion frauduleuse entre la SNI et la société d'HLM Vaucluse logement en ce que ces deux sociétés se seraient entendues pour opérer ou tenter d'opérer un transfert des salariés dans des conditions portant atteinte à leur droit pour condamner solidairement le vendeur et l'acquéreur de l'immeuble à usage locatif à verser à chacun des salariés une provision à valoir sur leur préjudice à hauteur de 20 000 euros, quand bien même les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ne trouvaient pas à s'appliquer à la cession d'un tel immeuble de sorte qu'il ne pouvait y avoir collusion frauduleuse et qu'en outre la SNI n'avait pris aucun engagement tendant à garantir le respect par le nouvel employeur des obligations afférentes aux contrats de travail des salariés, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 120-4, L. 122-12, R. 516-31 du code du travail et 1134 du code civil ; et alors, selon le moyen de la société Vaucluse logement ; 1°/ que le juge des référés ne peut accorder un provision que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que l'application de l'article L. 122-12 du code du travail n'a pas pour effet de rendre immuables le contrat de travail qui subsiste avec le nouvel employeur ; que, par suite, les dispositions de ce texte ne font pas obstacle à ce que le nouvel employeur, comme aurait pu le faire l'ancien employeur, apporte des modifications aux conditions de travail, voire au contrat de travail, sauf, dans ce dernier cas, pour le salarié qui ne les acceptent pas à se considérer comme licencié ; qu'au cas d'espèce, en déduisant l'existence d'une collusion frauduleuse entre la société d'HLM Vaucluse logement et la société SNI aux motifs notamment que la société d'HLM Vaucluse logement avait exigé que les huit salariés acceptent des modifications à leur contrat de travail, qui ne consistaient qu'à la stricte application du droit conventionnel, ce qu'elle pouvait légitimement faire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; 2°/ qu'en toute hypothèse, à l'occasion du transfert du contrat de travail en application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, le nouvel employeur peut modifier les conditions de travail des salariés repris ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, sans rechercher si les modifications proposées par la société d'HLM Vaucluse logement et notamment celles relatives à la mobilité des salariés ou à l'emploi de leur véhicule personnel ne constituaient pas de simples modifications des conditions de travail, ainsi que la stricte application du droit conventionnel, la cour d'appel a privé leur décision de base légale au regard des articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; 3°/ qu'en cause d'appel, la société d'HLM Vaucluse logement avait fait valoir qu'aucune des parties ne contestaient que les contrats de travail avaient bien été transférés à compter du 1er décembre 2003, et qu'ils s'étaient poursuivis avec la société d'HLM Vaucluse logement dans les mêmes conditions qu'antérieurement, y compris après le licenciement du 9 janvier 2004 qui n'avait eu aucun effet sur l'emploi des salariés ; qu'en statuant comme ils l'on fait, sans rechercher si ces circonstances n'excluait pas l'existence d'un préjudice subi par les salariés, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 122-12 et R. 516-31 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les sociétés cédante et cessionnaire s'étaient entendues pour priver les salariés des droits qu'ils tenaient de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, et éviter ainsi la poursuite des contrats de travail aux conditions en vigueur au jour du transfert, a pu en déduire que l'obligation de ces sociétés de réparer le préjudice ainsi causé aux salariés par leur action commune n'était pas sérieusement contestable et allouer en conséquence des provisions aux salariés, à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi à ce titre, dont elle a souverainement évalué le montant ; que les moyens ne sont pas fondés ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois  ; Condamne les sociétés d'HLM Vaucluse logement et la SNI aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne les sociétés d'HLM Vaucluse logement et la SNI à payer aux huit salariés la somme globale de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Bouret, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du quatorze février deux mille sept.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.